Lorsqu’une personne physique vend les titres d’une société, elle peut réaliser une plus-value, qui sera, en règle générale, soumise à la « flat tax » de 30%. L’imposition peut aller jusqu’à 34 % lorsque les revenus sont élevés.
Dans cette hypothèse, et si le prix de revient des titres est négligeable (par exemple lorsque le cédant avait créé la société avec un capital de départ limité) on peut considérer, que pour un prix de vente de 100, le cédant pourra disposer de 66 à 70 de liquidités une fois l’impôt de plus-value payé.
Même dans les cas où le cédant peut opter pour des abattements lui permettant de réduire considérablement, voire d’effacer la plus-value soumise à l’impôt sur le revenu (par exemple, abattement renforcé de 85 % ou abattement fixe de 500 000 €, s’appliquant sur une plus-value inférieure ou égale à ce montant), les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % restent applicables sur la totalité de la plus-value. Si l’on fait l’hypothèse d’un prix de revient négligeable, le « cash net » pour un prix de vente de 100 est donc au maximum de 82,8.
Le mécanisme de l’apport-cession est un schéma assez connu, qui permet de limiter ce frottement fiscal, afin de maximiser les liquidités disponibles pour de futurs projets.
Dans le schéma de l’apport-cession, le propriétaire des titres les apporte, avant la vente, à une société, soumise à l’impôt sur les sociétés, généralement sa holding, et c’est cette dernière qui procèdera à la vente des titres, et encaissera le produit de la vente.
Par souci de simplicité, nous utiliserons ci-dessous le terme « holding » pour désigner la société ayant reçu les titres apportés. Mais le mécanisme de l’apport cession fonctionne de la même manière si la société bénéficiaire de l’apport des titres a une autre activité (commerciale par exemple) et ne se limite pas à la gestion de son propre patrimoine (ce qui est l’activité d’une holding).
Si la personne physique réalisant l’apport contrôle la holding, la plus-value constatée au moment de l’apport est placée en report, en application des dispositions de l’article 150-0 B ter du CGI.
Cela veut dire que l’on calcule et déclare le montant de la plus-value constatée au jour de l’apport des titres, mais que celle-ci ne sera pas imposée immédiatement, elle sera imposable si un événement vient mettre fin au report.
Avant d’évoquer ce point, regardons ce qui se passe au niveau de la holding qui vend les titres qu’elle a reçu à l’occasion de l’apport.
Si, l’apport est effectué alors qu’un acheteur est identifié, juste avant la réalisation de la cession, alors en principe la valeur des titres au jour de l’apport est la même que leur prix de vente.
Dans ce contexte, la holding ne réalise pas de plus-value lors de la vente. La holding encaisse la totalité du prix de vente, qu’elle pourra investir dans d’autres projets.
Ainsi, pour reprendre l’exemple précédent, pour un prix de cession de 100, la holding disposera de 100 « cash net » pour ses projets à venir, alors qu’une personne physique n’aurait eu que 66 à 70 de disponibilités.
Si la cession n’a pas lieu immédiatement après l’apport des titres, ou si le prix de vente est différent de la valeur d’apport des titres, il faudra calculer la plus-value qui sera imposable au niveau de la holding.
La plus-value sera soumise à l’impôt sur les sociétés, au taux de 25% en principe.
Lorsque la holding détient au moins 5% du capital de la société dont les titres sont vendus, pendant au moins 2 ans avant la vente, seule une quote-part de frais et charges de 12 % sera soumise à l’impôt sur les sociétés, grâce au bénéfice du régime dit « mère-fille ».
En pratique, la plus-value sera donc imposée au taux réel de 3% lorsqu’il est possible de bénéficier du régime « mère-fille ». Là encore, le frottement fiscal se trouve réduit, ce qui permet de maximiser la trésorerie disponible pour les projets ultérieurs.
Comme on l’a vu, lors de l’apport, il a réalisé une plus-value qui n’a pas été immédiatement imposée, mais qui a été placée en report.
Comme on l’a évoqué, ce report peut prendre fin à l’occasion de certaines opérations. Notamment, la plus-value placée en report peut devenir imposable lorsque le contribuable vend les titres de la holding ou lorsque la holding vend les titres qui lui ont été apportés moins de 3 ans après l’apport.
Si la holding revend les titres moins de 3 ans après l’apport, le report peut donc tomber. Cela serait gênant car la personne physique deviendrait imposable, alors qu’elle n’a pas touché de liquidités : c’est en effet la holding qui a perçu le prix de vente des titres.
Dans un tel cas, il a été prévu que le report d’imposition peut être maintenu à condition que la holding procède au réinvestissement d’au moins 60 % du prix de vente dans certains actifs éligibles, dans un délai maximum de 2 ans après la perception du prix de vente.
Le mécanisme de l’apport-cession permet donc de maximiser la trésorerie disponible pour de nouveaux investissements, mais implique des contraintes, quant à leur nature et au délai dans lequel ils doivent être opérés.
Avant d’évoquer les types de réinvestissements qui permettent de maintenir le report d’imposition, il faut savoir qu’au-delà de la compréhension du mécanisme lui-même, il y a un certain nombre d’obligations déclaratives à respecter.
Il faut donc être vigilant à ce sujet, et se faire accompagner si nécessaire, pour respecter le formalisme nécessaire en produisant les attestations et engagements requis.
La holding doit réinvestir au moins 60 % du produit de la vente, en une ou plusieurs fois, dans certains types d’actifs éligibles.
Le « produit de la vente » correspond au prix de vente des titres. Il ne s’agit pas de la plus-value. Il est néanmoins possible de déduire certains frais s’il l’on est en mesure de prouver qu’ils se rapportent directement à la vente des titres.
La holding doit procéder au(x) réinvestissement(s) dans les 2 ans suivant la date de la vente. Si des compléments de prix sont versés, elle doit aussi réinvestir au moins 60% des compléments de prix, dans les 2 ans suivant leur perception.
Les actifs éligibles correspondent aux catégories suivantes :
L’activité opérationnelle correspond à une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière. Les activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier sont exclues.
Il peut donc par exemple s’agit de l’achat d’un fonds de commerce ou de machines.
Même si on utilise ici le terme « holding » pour désigner la société bénéficiaire de l’apport, ce type d’investissement suppose donc que la société développe une activité opérationnelle.
Ce réinvestissement doit avoir pour effet de conférer à la holding procédant au réinvestissement le contrôle de chacune des sociétés dans lesquelles elle réinvestit.
Si la holding ne procède pas à des réinvestissements pour un montant total suffisant et dans les délais impartis, on dit que la plus-value en report tombe, c’est-à-dire que la personne physique devient imposable sur le montant de la plus-value qu’elle avait constatée et placée en report au moment de l’apport de ses titres à la holding.
L’apport peut être réalisé à tout moment et le timing idéal dépend des caractéristiques de chaque dossier.
Ceci dit, il est généralement conseillé de procéder à l’apport dans les deux cas de figure suivant :
Non. Il est possible de panacher, en choisissant de n’apporter qu’une partie des titres à la holding, et en conservant le reste en direct.
Ainsi, lors de la vente, la personne optimisera la fiscalité sur les sommes qu’elle a l’intention de réinvestir dans des projets éligibles et/ou réalisables par l’intermédiaire de sa holding.
Elle percevra par ailleurs le prix de vente des titres qu’elle aura conservés en direct.
Elle pourra utiliser cette somme (après avoir provisionné la fiscalité correspondante) pour des projets personnels, qu’il n’aurait pas été possible ou souhaitable de réaliser via sa holding (par exemple pour payer les études de ses enfants, financer un voyage, ou acheter une résidence principale ou secondaire).
Le fait de donner des titres (à ses enfants par exemple) avant la vente de la société peut permettre de « purger » la plus-value, et donc d’éviter en tout ou partie l’imposition de la plus-value, mais également de maximiser le montant transmis.
En effet, lorsque les bénéficiaires de la donation procèderont à la vente des titres, le prix de revient des titres à retenir pour déterminer leur plus-value sera égal à la valeur figurant dans l’acte de donation.
Si la donation a eu lieu peu avant la vente des titres, alors que le prix de vente était déjà convenu avec l’acquéreur, alors la valeur indiquée dans l’acte sera généralement égale au prix de vente des titres, et le bénéficiaire de la donation ne réalisera pas de plus-value imposable.
Il apparaît donc souvent judicieux de procéder à la donation des titres avant la cession. En effet, si le donateur procède à la vente des titres, il devra payer l’impôt sur la plus-value.
On peut ainsi considérer qu’il ne pourra ensuite transmettre qu’une valeur correspondant à : (prix de vente – fiscalité sur la plus-value), alors que la donation des titres avant la cession lui permet de transmettre la totalité du prix de vente correspondant.
Exemple :
Monsieur X s’apprête à vendre des actions pour 100.
Le prix de revient de ces titres est négligeable, on considère donc que la plus-value est de 100.
S’il paie la flat tax, il disposera de 70 de « cash net », qu’il pourra ensuite donner à ses enfants.
S’il décide de donner les actions à ses enfants avant la vente, la donation portera sur une valeur de 100.
Les enfants revendent ensuite les actions pour un prix de 100.
Ils ne réalisent pas de plus-value (100 – 100 = 0).
La valeur transmise est donc de 100 (au lieu de 70 en cas de donation de la somme d’argent après la cession des titres).
Bien entendu, des droits de donation peuvent être dus à l’occasion de la transmission.
Mais il existe des abattements, qu’il est possible d’utiliser s’ils n’ont pas déjà été (totalement) utilisés au cours des 15 années précédentes.
Il existe par exemple un abattement de 100 000 € pour chacun des enfants du donateur ou de 80 724 € pour son conjoint.
Par ailleurs, le barème des droits de donation en ligne directe est le suivant :
Si la plus-value est importante et taxable à 34 % (flat tax + CEHR), on voit donc qu’il n’est pas dépourvu de sens de procéder à des donations importantes (jusqu’à environ 900 000 € par enfant, en plus de l’éventuel reliquat d’abattement), même si elles sont soumises aux droits de donation.
Il convient toutefois de se montrer vigilant dans ce type d’opérations.
En premier lieu, il faut qu’il y ait une réelle volonté de donner (on parle de réelle « intention libérale »).
En effet, il ne s’agit pas que le propriétaire initial des titres procède à une donation pour purger la plus-value, et se réapproprier ensuite les sommes résultant de la vente des titres.
De telles opérations peuvent être constitutives d’un abus de droit, et donner lieu à des redressements.
Par ailleurs, des règles anti-abus existent.
C’est notamment le cas lorsqu’on conjugue apport des titres initiaux à une holding (voir fiche sur l’apport-cession) et donation des titres de la holding.
Dans ce cas, la plus-value placée en report lors de l’apport des titres initiaux à la holding peut demeurer imposable au niveau du bénéficiaire de la donation, notamment s’il cède ou procède à l’annulation des titres de la holding au cours des 5 ans suivant la donation (voire des 10 ans dans certaines configurations).
Enfin, lorsque les titres n’ont pas été donnés en pleine propriété, mais ont fait l’objet d’un démembrement, des règles différentes s’appliquent selon la date à laquelle la propriété des titres a été démembrée et l’usage qui sera fait du prix de vente des titres (répartition entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, remploi en démembrement dans un nouveau projet ou constitution d’un quasi-usufruit).
Pour les situations complexes, il est recommandé de se faire accompagner par un avocat fiscaliste, afin de bien mesurer les impacts fiscaux de l’opération envisagée.
En premier lieu, il convient de ne pas de mettre en place des montages pour tenter abusivement de bénéficier de dispositifs dont on ne respecte pas l’objectif.
Comme on l’a déjà évoqué, en cas de donation, il convient que l’intention libérale (c’est-à-dire l’intention de donner, de se dessaisir) soit réelle.
Ainsi, il ne faut pas que le donateur récupère d’une manière ou d’une autre le produit de la vente des titres, dont il aura (par exemple) fait donation à ses enfants pour « purger » la plus-value.
En second lieu, il convient de se montrer particulièrement vigilant sur le séquencement et le calendrier des opérations.
Cela semble être une lapalissade, mais, en cas d’apport-cession, il faut que la holding (ou autre société bénéficiaire de l’apport) devienne propriétaire des titres avant de pouvoir les céder. De même, en cas de donation avant cession, il convient que les donataires (c’est-à-dire les bénéficiaires de la donation) deviennent propriétaires des titres avant leur transfert à l’acquéreur.
Pour sécuriser ces opérations, il convient alors de procéder à la donation ou à l’apport des titres AVANT la levée de la dernière condition suspensive prévue dans le protocole d’accord.
A ce titre, il faut garder à l’esprit que les parties (c’est-à-dire le vendeur et l’acquéreur) n’auront pas toujours la main sur le calendrier de levée des conditions suspensives, dans la mesure où elles peuvent dépendre de tiers (par exemple, obtention d’un accord d’une autorité administrative). Il faudra donc que le vendeur anticipe autant que possible les opérations de restructuration avant cession.
Cette anticipation apparaît indispensable lorsque les titres sont des parts sociales (de SARL par exemple), dans la mesure où le transfert de propriété des parts sociales est réputé intervenir dès le moment où les parties se sont entendues sur la chose et sur le prix. Le transfert des parts sociales au bénéfice de l’acquéreur peut donc être réputé intervenir dès que la vente est considérée comme parfaite du fait de la levée des conditions suspensives, à une date qui peut être bien antérieure à celle du closing et/ou de l’inscription des titres au compte de l’acquéreur.
Il convient donc de se montrer particulièrement vigilant sur le calendrier des opérations, pour éviter la remise en cause des opérations de donation avant cession ou d’apport-cession.
La situation est en principe plus confortable lorsque les titres sont des actions (de SAS par exemple).